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J’ai quitté Madrid par un froid de chien, et tout le long de la route j’ai grelotté. Je n’avais pas fait autre chose pendant tout le temps de mon séjour. De ce côté de la Bidassoa, l’air s’est adouci comme par enchantement, et ici j’ai trouvé la température ordinaire de ce pays. Nous avons un temps magnifique et nul vent. Je pense vous avoir mandé de Madrid tout ce qu’il y avait de mémorable à ma connaissance, notamment les aventures de la duchesse de ***, qui ont dû vous scandaliser. Vous ai-je parlé aussi de cette jeune personne andalouse, amoureuse d’un jeune homme qui se trouve être le petit-fils du bourreau de la Havane ? Il y avait menace de suicide de la part de la mère, de la demoiselle et du futur, je veux dire que tous les trois menaçaient de se tuer si leur volonté ne se faisait pas. Lorsque j’ai quitté Madrid, il n’y avait encore personne de mort, et le respectable public était très-prononcé en faveur des amants.

Adieu, chère amie ; donnez-moi de vos nouvelles, et dites-moi quels sont vos projets pour cet hiver.