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sitôt et que je vous reverrais encore une fois. Le timbre de votre lettre m’a extrêmement contrarié. Je le suis un peu encore de votre ridicule prude rie et de tout ce que vous me dites de ce livre. Ce livre a le malheur d’être mal écrit, c’est-à-dire d’une manière emphatique que Sainte-Beuve loue comme poétique, tant les goûts sont divers. Il y a des observations justes et ce n’est pas trivial. Lorsqu’on a du goût comme vous on ne s’écrie pas que c’est affreux, que c’est immoral ; on trouve que ce qu’il y a de bon dans le volume est très-bon. Ne jugez jamais les choses avec vos préventions. Tous les jours, vous devenez plus prude et plus conforme au siècle. Je vous passe la crinoline, mais je ne vous passe pas la prude rie. Il faut savoir chercher le bien où il est. Un autre chagrin que j’ai, c’est de n’avoir pas votre second portrait. C’est votre faute, et je vous l’ai souvent demandé. Vous prétendez qu’il n’est pas ressemblant, et moi, je prétends qu’il a cette expression de physionomie que je n’ai vue qu’à vous et que je revois souvent in the mind’s eye. Je n’ai pas de jour fixé pour mon départ, pourtant je tâcherai d’être vers le 20 à Lucerne, ce pour