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lait pourvoir à ma pompe funèbre. J’ai été assez content de sa consultation : premièrement, parce qu’il m’a dit que cette cérémonie n’aurait pas lieu aussitôt que je l’appréhendais ; en second lieu, parce qu’il m’a expliqué anatomiquement et très-clairement la cause de mes maux. Je croyais avoir le cœur malade ; pas du tout, c’est le poumon. Il est vrai que je n’en guérirai jamais ; mais il y a moyen de n’en pas souffrir, et c’est beaucoup, si ce n’est le principal.

Vous ne pouvez vous faire une idée de la beauté de la campagne après toutes ces pluies. Il y a partout des roses de mai. Les jasmins commencent à fleurir, ainsi que quantité de fleurs sauvages, toutes plus jolies les unes que les autres. J aimerais bien à faire un cours de botanique avec vous dans les bois des environs, vous verriez qu’ils valent ceux de Bellevue. J’ai reçu ici, je ne sais comment, le dernier livre de M. Gustave Flaubert, qui a fait Madame Bovary, que vous avez lu, je crois, bien que vous ne vouliez pas l’avouer. Je trouvais qu’il avait du talent qu’il gaspillait sous prétexte de réalisme. Il vient de commettre un nouveau roman qui s’appelle Salammbô. En tout