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pour l’intelligence humaine, mais elle prend les aliments qu’on lui sert et s’en contente. Je suis allé, la semaine passée, faire une course dans la montagne, voir une ferme à M. Fould. Elle est au bord d’un petit lac, en face du plus beau panorama du monde, entourée de très-grands arbres, chose si rare en France, et on y déjeune admirablement. Il y a beaucoup de très-beaux chevaux et de très-beaux bœufs, tout cela tenu dans le système anglais. On m’a montré de plus un âne chargé de faire des mulets. C’est une bête énorme, grande comme un très-grand cheval, noire et méchante, comme s’il était rouge. Il paraît qu’il faut la croix et la bannière pour qu’il consente à accorder ses faveurs aux juments. On lui montre une ânesse, et, lorsqu’il s’est monté l’imagination, il n’y regarde plus de si près. Que pensez-vous de l’industrie humaine, qui a eu toutes ces belles inventions ? Vous serez furieuse de mes histoires et je vois votre mine d’ici. Le monde devient tous les jours plus bête. À propos de cela, avez-vous lu les Misérables et entendu ce qu’on en dit ? C’est encore un des sujets sur lesquels je trouve l’espèce humaine au-dessous de l’espèce gorille. — Les eaux