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grands progrès sous le rapport du goût et de l’art de l’arrangement ; nous faisons les meubles et les papiers peints assurément mieux qu’eux, mais nous sommes dans une voie déplorable, et, si cela continue, nous serons sous peu distancés. Notre jury est présidé par un Allemand qui croit parler anglais et qui est à peu près incompréhensible à tout le monde. Rien de plus absurde que nos conférences ; personne n’entend de quoi il est question. Cependant, on vote. Ce qu’il y a de plus mauvais, c’est que nous avons dans notre classe des industriels anglais et qu’il faudra nécessairement donner des médailles à ces messieurs, qui n’en méritent guère. Je suis bombardé par les discours et les roûts. Avant-hier, j’ai dîné chez lord Granville. Il y avait trois petites tables dans une longue galerie ; cela était censé devoir rendre la conversation générale ; mais, comme on se connaissait très-peu, on ne se parlait guère. Le soir, je suis allé chez lord Palmerston, où il y avait l’ambassade japonaise, qui accrochait toutes les femmes avec les grands sabres qu’elle porte à la ceinture. J’ai vu de très-belles femmes et de très-abominables ; les unes et les autres faisaient exhi-