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John Russell, aujourd’hui lord Russell tout court. M. Gladstone m’a plu. Je pense être de retour à Paris vers le 8 ou 10 août. J’espère vous retrouver tranquillement dans quelque solitude. Je crois que je me porte mieux ici qu’à Paris ; cependant, il fait un temps abominable. — J’ai interrompu ma lettre pour aller voir la Banque. On m’a mis dans la main quatre petits paquets qui faisaient quatre millions de livres sterling, mais on ne m’a pas permis de les emporter ; cela aurait fait deux volumes reliés. On m’a montré une machine très-jolie, qui compte et pèse trois mille souverains par jour. La machine hésite un instant, et, après une très-courte délibération, jette à droite le bon souverain et le mauvais à gauche. Il y en a une autre qui semble un petit magot. On lui présente un billet de banque, il se baisse et lui donne comme deux petits baisers, qui lui laissent des marques que les faussaires n’ont pu imiter encore. Enfin, on m’a mené dans les caves, où j’ai cru être dans une de ces grottes des Mille et une Nuits. Tout était plein de sacs d’or et de lingots étincelants à la lueur du gaz. Adieu, chère amie…