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que tous les magistrats. Pour ma consolation, je me dis que, si, dans vingt ans d’ici, quelque antiquaire fourre son nez dans le Moniteur de cette semaine, il dira qu’il s’est trouvé, en 1861, un philosophe plein de modération et de calme dans une assemblée de jeunes fous. Ce philosophe, c’est moi-même, sans nulle vanité. Dans ce pays-ci, où l’on prend les magistrats parmi les gens trop bêtes pour gagner leur vie à être avocat, on les paye fort mal, et, pour en trouver, on leur permet d’être insolents et hargneux. Enfin, heureusement, tout est fini. J’ai fait tout ce que je devais faire, et je recommencerais la séance à propos de la pétition de madame Libri, si la chose était possible. Ici, on m’a reçu fort bien sans me railler de ma défaite. J’ai dit très-nettement ce que je pensais de l’affaire, et il ne m’a pas paru que l’on trouvât que j’avais tort. Après toute l’excitation de ces jours passés, je me sens comme débarrassé d’un poids énorme. Il fait un temps magnifique et l’air des bois est délicieux. Il y a peu de monde. Les maîtres de la maison sont, comme à l’ordinaire, extrêmement bons et aimables. Nous avons la princesse de Metternich, qui est fort vive, à la ma