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le clavier d’un piano. La représentation était très-curieuse. La princesse de Metternich se donnait un mouvement terrible pour faire semblant de comprendre, et pour faire commencer des applaudissements qui n’arrivaient pas. Tout le monde bâillait ; mais, d’abord, tout le monde voulait avoir l’air de comprendre cette énigme sans mot. On disait, sous la loge de madame de Metternich, que les Autrichiens prenaient la revanche de Solférino. On a dit encore qu’on s’ennuie aux récitatifs, et qu’on se tanne aux airs. Tâchez de comprendre. Je m’imagine que votre musique arabe est une bonne préparation pour cet infernal vacarme. Le fiasco est énorme ! Auber dit que c’est du Berlioz sans mélodie.

Nous avons ici un temps affreux : vent, pluie, neige et grêle, varié par des coups de soleil qui ne durent pas dix minutes. Il paraît que la mer est toujours en furie, et je suis content que vous ne reveniez pas tout de suite.

Vous ai-je dit que j’avais fait connaissance de M. Blanchard, qui va s’établir rue de Grenelle ? Il m’a montré de jolies aquarelles, des scènes de Russie et d’Asie, qui me paraissent avoir beau-