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plus que les Anglais ou nous. Vous apprendrez notre grande victoire sur ces pauvres Chinois. Quelle drôle de chose que d’aller tuer si loin des gens qui ne nous ont rien fait ! Il est vrai que, les Chinois étant une variété de l’orang-outang, il n’y a que la loi Grammont qui puisse être invoquée en leur faveur. Je me prépare à nos conquêtes en Chine, en lisant un nouveau roman que vient de traduire Stanislas Julien, le Chinois patenté du gouvernement. C’est l’histoire de deux demoiselles, mademoiselle Cân et mademoiselle Ling, qui ont beaucoup d’esprit, car elles font des vers et des bouts-rimés à tout propos. Elles trouvent deux étudiants qui, de leur côté, écrivent avec la même facilité, et c’est un combat de quatrains à n’en plus finir. Dans tous ces quatrains, il n’est question que d’hirondelles blanches et de lotus bleus. Il est impossible de trouver quelque chose de plus baroque et de plus dépourvu de passion. Évidemment, les gens qui s’amusent à ce genre de littérature sont d’abominables pédants, qui méritent bien d’être conquis et battus par nous autres qui procédons de la belle littérature grecque. Nous avons eu quelques jours d’été, et je crois ce