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voient en vous que ce qui m’occupe le moins. En vérité, je suis d’une humeur affreuse en pensant à cette cérémonie où vous allez assister. Rien ne me rend plus mélancolique qu’un mariage. Les Turcs, qui marchandent une femme en l’examinant comme un mouton gras, valent bien mieux que nous qui avons mis sur ce vil marché un vernis d’hypocrisie, hélas ! bien transparent. Je me suis demandé bien souvent ce que je pourrais dire à une femme le premier jour de ma noce, et je n’ai rien trouvé de possible, si ce n’est un compliment sur son bonnet de nuit. Le diable, heureusement, est bien fin s’il m’attrape à pareille fête. Le rôle de la femme est bien plus facile que celui de l’homme. Un jour comme celui-là, elle se modèle sur l’Iphigénie de Racine ; mais, si elle observe un peu, que de drôles de choses elle doit voir ! — Vous me direz si la fête a été belle. On va vous faire la cour et vous régaler d’allusions au bonheur domestique. Les Andalous disent, quand ils sont en colère : Mataria el sol à puñaladas si no fuese por miedo de dejar el mundo a oscuras !

Depuis le 28 septembre, jour de ma naissance, une suite non interrompue de petits malheurs