Avez-vous promis par un engagement signé par-devant
notaire ou sur papier à vignettes ? Quand
j’étais écolier, je reçus d’une couturière un billet
surmonté de deux cœurs enflammés réunis comme
il suit : ; de plus, une déclaration fort
tendre. Mon maître d’études commença par me
prendre mon billet, et l’on me mit en prison.
Puis l’objet de cette naissante passion se consola
avec le cruel maître d’études. Il n’y a rien qui
soit plus fatal que les engagements pour ceux au
profit desquels ils sont souscrits. Savez-vous que,
si votre amour était promis, je croirais sérieusement
qu’il vous serait impossible de ne pas m’aimer ?
Comment ne m’aimeriez-vous pas, vous qui
ne m’avez pas fait de promesses, puisque la première loi de la nature, c’est de prendre en grippe
tout ce qui a l’air d’une obligation ? Et, en effet,
toute obligation est de sa nature ennuyeuse. Enfin,
de tout cela, si j’avais moins de modestie, je
tirerais cette dernière conséquence, que, si vous
avez promis votre amour à quelqu’un, vous me le
donnerez, à moi, à qui vous n’avez rien promis.
Plaisanterie à part et à propos de promesses, depuis
que vous ne voulez plus de mon aquarelle,
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À UNE INCONNUE.
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