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mais je ne saurais vous dire où nous nous arrêterons sur la route, ce qu’il me promet avec force châteaux, ruines, paysages, etc. Dès que je serai apprêté, je vous écrirai encore. J’ai passé trois jours chez le duc de Hamilton, dans un château immense et dans un très-beau pays. Il y a tout près du château, à moins d’une heure, un troupeau de bœufs sauvages, les derniers qui existent en Europe. Ils m’ont paru aussi civilisés que les daims de Paris. Partout dans ce château, il y a des tableaux de grands maîtres, des vases grecs et chinois magnifiques et des livres aux reliures des plus grands amateurs du siècle dernier. Tout cela est disposé sans goût et l’on voit que le propriétaire en jouit très-médiocrement. Je comprends maintenant pourquoi on recherche les Français en pays étranger. Ils se donnent de la peine pour s’amuser, et, ce faisant, amusent les autres. Je me suis senti la personne la plus amusante de la très-nombreuse société où nous étions, et j’avais en même temps la conscience de ne l’être guère. J’ai trouvé Édimbourg tout à fait à mon goût, sauf l’architecture exécrable des monuments, qui ont la prétention d’être grecs et qui la justifient