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PROSPER MÉRIMÉE

qu’aux commentaires des commentateurs. — Autre chance de durée ; ces romans sont courts, le plus long n’a qu’un demi-volume, l’un d’eux, six pages ; tous sont clairs, bien composés, rassemblés autour d’une action simple et d’un effet unique. Or, il faut songer que la postérité est une sorte d’étrangère, qu’elle n’a pas la complaisance des contemporains, qu’elle ne tolère pas les ennuyeux, qu’aujourd’hui peu de personnes supportent les huit volumes de Clarisse Harlowe ; bref, que l’attention humaine surchargée finit toujours par faire faillite ; il est prudent, quand après un siècle on lui demande encore audience, de lui parler un style bref, net et plein. — En outre, il est sage de lui dire des choses intéressantes et qui l’intéressent. Des choses intéressantes : cela exclut les événements trop plats ou trop bourgeois, les caractères trop effacés et trop ordinaires. Des choses qui l’intéressent : cela veut dire des situations et des passions assez durables pour qu’après cent ans elles soient encore de cir-