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fort laides, avec des pieds énormes ; les belles dames que j’ai rencontrées en chemin de fer ou en bateau ne sont pas beaucoup mieux. Elles ont des chapeaux indécents et des brodequins bleu de ciel, avec des gants vert-pomme. C’est en grande partie ces qualités susdites qui composent ce que les naturels appellent gemüth et dont ils sont très-vaniteux.

À voir les œuvres d’art de ce pays, il me semble que ce dont il manque le plus radicalement, c’est l’imagination. Il s’en pique pourtant et tombe alors dans des extravagances prétentieuses. Je viens de voir la ville : tout y est neuf, sauf le tombeau de Maximilien ; mais un site admirable. Plus de costumes : le monde qu’on rencontre est laid et a l’air commun ; mais on ne peut faire un pas sans voir une montagne, et quelle montagne ! Demain, nous montons au glacier. Le temps est magnifique et promet de durer. En somme, je suis content d’être parti. Je voudrais que vous fussiez avec moi ; il me semble que vous trouveriez de quoi vous amuser, plus qu’au milieu de vos loups marins. Quand revenez-vous à Paris ? Écrivez-moi à Vienne. Ne per-