Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus. En même temps, j’ai eu le malheur de toucher un soi-disant pestiféré et l’on a jugé prudent de me mettre en quarantaine pour quinze jours ; le grand malheur vraiment ! Mon ami M. Bocher va en prison à la fin de juin, nous nous y installerons ensemble. En attendant, j’ai grand besoin de vous voir ! — Mes vengeances ont déjà commencé. Mon ami Saulcy se trouvait hier chez des gens où l’on a parlé de l’arrêt qui me concerne ; là-dessus, sans consulter l’air du bureau, voilà mon canonnier qui, avec la discrétion de son arme, se lance à tort et à travers dans les grands mots de sottise, fatuité, stupidité, amour-propre de faquins, etc., prenant à témoin un monsieur en habit noir qu’il connaissait de vue, mais dont il ignorait la profession. Or, c’était M. ***, un de mes juges, qui aurait préféré être ailleurs. Figurez-vous l’état de la maîtresse de la maison, des assistants, et enfin Saulcy, averti trop tard, qui tombe sur un canapé en crevant de rire, et disant : « Ma foi, je ne me dédis de rien ! »