Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxv
PROSPER MÉRIMÉE

Dans ses œuvres d’art, le critique domine encore, mais presque toujours avec un office utile, pour restreindre et diriger son talent, comme une source qu’on enferme dans un tuyau pour qu’elle jaillisse plus mince et plus serrée. Il avait de naissance plusieurs de ces talents que nul travail n’acquiert et que son maître Stendhal ne possédait pas, le don de la mise en scène, du dialogue, du comique, l’art de poser face à face deux personnages, et de les rendre visibles au lecteur par le seul échange de leurs paroles. De plus, comme Stendhal, il savait les caractères et contait bien. Il soumit ces vives facultés à une discipline sévère, et, par un effort double, entreprit de leur faire rendre le plus d’œuvre avec le moins de matière. — Dès l’abord, il avait beaucoup goûté le théâtre espagnol, qui est tout nerf et toute action ; il en reprit les procédés pour composer sous un faux nom de petites pièces d’un sens profond et d’intention moderne ; chose unique dans l’histoire littéraire, plusieurs de ces pastiches,