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siècle que nous ne nous sommes vus. Adieu ; vous avez été l’autre jour bien aimable, et je regrette que vous ne l’ayez pas été plus longtemps.

CXXII

Paris, mars 1848.

Je crois que vous vous effrayez un peu trop. Les choses ne sont pas plus mal qu’elles n’étaient hier ; ce qui ne veut pas dire qu’elles soient bien et qu’il n’y ait pas de danger. Quant à ce projet de voyage, il est bien difficile de donner un conseil et de voir clair dans ce grand brouillard étendu sur notre avenir. Il y a des gens qui pensent que Paris, à tout prendre, est un lieu plus sûr que la province. Je suis assez de cet avis. Je ne crois pas à une bataille dans les rues : d’abord, parce qu’il n’y a pas encore de motif ; puis, parce que la force et l’audace sont du même côté, et que, de l’autre, je ne vois que platitude et poltronnerie. Si la guerre civile devait commencer, c’est, je crois, en province qu’elle se déclarerait d’abord. Il y a déjà une assez grande