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PROSPER MÉRIMÉE

l’horreur des phrases spécieuses, il n’écrivait qu’après avoir touché le détail probant. On trouverait difficilement une tête d’historien dans laquelle la collection préalable, bibliothèque et musée, soit si complète. — Ajoutez-y des dons encore plus rares, ceux qui permettent de faire revivre ces débris morts, je veux dire l’expérience de la vie et l’imagination lucide. Il avait beaucoup voyagé, deux fois en Grèce et en Orient, douze ou quinze fois en Angleterre, en Espagne et ailleurs, et partout il avait observé les mœurs, non-seulement de la bonne compagnie, mais de la mauvaise. « J’ai mangé plus d’une fois à la gamelle avec des gens qu’un Anglais ne regarderait pas, de peur de perdre le respect qu’il a pour son propre œil. J’ai bu à la même outre qu’un galérien. » Il avait vécu familièrement avec des gitanos et des toréadors. Il faisait des contes le soir à une assemblée de paysans et de paysannes de l’Ardèche. Un des endroits où il se trouvait le mieux à sa place, c’était dans