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rai demain pour Colmar, et je pense être à Besançon le lendemain, c’est-à-dire jeudi. Je n’y demeurerai guère que le temps de jeter quelques fleurs sur la tombe de Nodier, et je tâcherai de revenir bien vite voir nos bois. La saison me semble ici plus avancée qu’à Paris. La campagne est admirable et d’un vert qu’aucun pinceau ne saurait imiter.

Je suis bien content de vous trouver si gaie ; pour moi, je ne puis vous en dire autant. Il me semble que j’ai la fièvre tous les soirs et je suis d’une humeur horrible. La cathédrale, que j’aimais fort autrefois, m’a semblé laide, et c’est à peine si les vierges sages et les folles de Sabine, de Steinbach, ont trouvé grâce devant moi. Vous avez bien raison d’aimer Paris. C’est, après tout, la seule ville où l’on puisse vivre. Où trouveriez-vous ailleurs ces promenades, ces musées où nous avions tant de choses à nous dire et tant de tendresses aussi ? Je voudrais croire à ce que vous me promettez, c’est-à-dire que nous reprendrons notre causerie interrompue, comme si nous n’avions pas été séparés. Je suis sûr de ce qui m’attend. Une épaisse glace se sera formée. Vous