Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de le mettre à terre. Aussitôt il en sort un petit être à grosse tête, ricanant toujours, emmanché d’une espèce de queue de lézard, qui se plonge dans le ruisseau en disant : « M’as ben pourta ! » ce qui veut dire en provençal ou dans l’idiome des draquets : «  Tu m’as bien porté ! » J’ai vu déjà plus d’une femme qui avait été ainsi mystifiée par ces démons espiègles, et je suis désolé de n’en pas avoir rencontré moi-même. J’aurais eu le plus grand plaisir à faire connaissance avec eux.

Ma tournée s’allonge à mesure que les jours accourcissent. Je vais demain à Fréjus pour aller de là aux îles de Lérins, où je trouverai peut-être les ruines de la première église chrétienne d’Occident. Je suis plus qu’à demi persuadé que je ne trouverai rien du tout. Mais il faut faire son métier en conscience et inspecter tout ce qu’il y a d’historique.

Il est impossible de voir rien de plus sale et de plus joli que Marseille. Sale et joli convient parfaitement aux Marseillaises. Elles ont toutes de la physionomie, de beaux yeux noirs, de belles dents, un très-petit pied et des chevilles imperceptibles. Ces petits pieds sont chaussés de bas