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PROSPER MÉRIMÉE

du rêve et dans le grand chemin de l’amour[1].

Mais, à côté de l’amoureux, subsistait le critique, et le conflit des deux personnages dans le même homme produisait des effets singuliers. En pareil cas, il vaut peut-être mieux n’y pas voir trop clair. — « Savez-vous bien, disait La Fontaine, que, pour peu que j’aime, je ne vois les défauts des personnes non plus qu’une taupe qui aurait cent pieds de terre sur elle ? Dès que j’ai un grain d’amour, je ne manque pas d’y mêler tout ce que j’ai d’encens dans mon magasin. » C’est peut-être pour cela qu’il était si aimable. — Dans les lettres de Mérimée, les duretés pleuvent avec les douceurs : « Je vous avouerai que vous m’avez paru fort embellie au physique, mais point

  1. Voici de lui une action généreuse et délicate ; Béranger, en cas pareil, en fit une semblable : « J’allais être amoureux quand je suis parti pour l’Espagne. La personne qui a causé mon voyage n’en a jamais rien su. Si j’étais resté, j’aurais peut-être fait une grande sottise, celle d’offrir à une femme digne de tout le bonheur dont on peut jouir sur terre, de lui offrir, dis-je, en échange de la perte de toutes les choses qui lui étaient chères, une tendresse que je sentais moi-même très-inférieure au sacrifice qu’elle aurait peut-être fait. »