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PROSPER MÉRIMÉE

ma lecture, je reçois la visite d’un homme de la police, se disant envoyé par la grande-duchesse. « Qu’y a-t-il pour votre service ? — Je viens, de la part de Son Altesse impériale, vous prier de venir ce soir chez elle avec votre roman. — Quel roman ? — Celui que vous avez lu l’autre jour à Sa Majesté. » Je répondis que j’avais l’honneur d’être le bouffon de Sa Majesté et que je ne pouvais aller travailler en ville sans sa permission ; et je courus tout de suite lui raconter la chose. Je m’attendais qu’il en résulterait au moins une guerre avec la Russie, et je fus un peu mortifié que non-seulement on m’autorisât, mais encore qu’on me priât d’aller le soir chez la grande-duchesse, à qui on avait donné le policeman comme factotum. Cependant, pour me soulager, j’écrivis à la grande-duchesse une lettre d’assez bonne encre. » — Cette lettre « d’assez bonne encre » serait une pièce curieuse, et je suis sûr qu’on ne lui a plus envoyé le factotum. — Quant aux corps constitués, il n’est guère possible de les abor-