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rapports qu’on me ferait me donneraient une toute autre idée de vous que vos lettres ne le font ; bien que vous vous vantiez extrêmement, j’ai la faiblesse de croire que vous êtes avec moi plus franche, je veux dire moins hypocrite que dans le monde. Il y a en vous des contraires si nombreux, que j’en suis fort dérangé pour arriver à une conclusion exacte, c’est-à-dire à la somme totale : + tant de bonnes qualités, – tant de mauvaises = X. Cet X-là m’embarrasse. Lorsque je vous vis, à votre départ de Paris, chez madame de V…, notre amie, votre extrême élégance me surprit fort. Les gâteaux, que vous mangez de si bon appétit pour vous remettre des courbatures que vous gagnez à l’Opéra, m’ont encore plus étonné. Ce n’est pas que, parmi vos défauts, je ne compte en première ligne la coquetterie et la gourmandise ; mais je croyais que la forme de ces défauts là était une forme toute morale ; je croyais que vous ne songiez pas trop à votre toilette et que vous étiez femme à manger par distraction ; que vous aimiez à faire de l’impression sur les gens par vos yeux et « vos beaux mots », non pas par vos robes. Voyez comme je m’étais trompé ! Mais,