Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pratiquez assez bien, mais en vous jouant, vous jouera un tour à la longue : c’est qu’elle deviendra chez vous très-réelle. Quant à la coquetterie, qui est la compagne inséparable du vilain vice que vous prônez, vous en avez toujours été atteinte et convaincue. Cela vous allait bien lorsque vous la tempériez par une certaine franchise, et par du cœur et de l’imagination. Maintenant… maintenant, que vous dirai-je ? Vous avez de très-beaux cheveux noirs et un beau cachemire bleu, et vous êtes toujours aimable quand vous le voulez. Dites que je ne vous gâte pas ! Quant à cette essence dont vous me parlez, c’est votre amitié que vous appelez ainsi. — J’aime ce mot essence ; — oui, de la vraie essence de rose qui est toujours gelée comme celle d’Andrinople ; je vous conterai cette histoire orientale.

Il y avait une fois un derviche qui avait paru un saint homme à un boulanger. Le boulanger lui promit un jour de lui donner toute sa vie du pain blanc. Voilà le derviche enchanté. Mais, au bout de quelque temps, le boulanger lui dit : « Nous sommes convenus de pain bis, n’est-ce pas ? J’ai du pain bis excellent, c’est mon fort, que le pain