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Un autre bon confrère, Louis Roubaud, a vu le prisonnier longuement. Il a conté visites et entretiens dans le Quotidien.

Dieudonné lui a dit :

« Je suis resté onze ans et demi aux îles du Salut. J’y ai travaillé de mon métier.

« Les beaux bois de la Guyane étaient mes bons amis silencieux. Avec eux, j’ai passé des heures fatigantes, mais pleines d’oubli, et ils m’ont évité des punitions.

« La punition est souvent le fait des circonstances plus que du bon ou du mauvais vouloir. Des hommes intéressants ont un livret chargé, d’autres dont la fiche est immaculée ne sont pas très recommandables, mais ils ont flatté leur chef, dénoncé leurs camarades. Ils se sont, comme on dit, planqués derrière un pot à tisane.

« Les commandants qui se sont succédé m’ont tous témoigné leur estime. Ils me parlaient comme à un ouvrier, comme à un homme, non comme à un bagnard. Je leur en garde une reconnaissance très vive car ils pouvaient me traiter plus durement s’ils l’avaient voulu. »

« Il expliqua ensuite les raisons de ses évasions :

« La première fois, ce fut en 1919. Ma mère mourait. On venait de refuser la commutation de peine… Je constituais un canot tige léger qui se retourna sur la première vague.