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nière tête tombe. Cela a duré exactement quatre minutes et demie.

C’est fini. La société a fait justice.

Justice ? Cette opération odieuse, dans ce décor de deuil, sous ce ciel bas et impavide ? Justice, ce triple meurtre, préparé dans tous ses détails, réglé, ordonné avec précision, parmi tous ces soldats, ces pelotons de gendarmes et de gardes ? Justice, cette méthode sournoise de suppression ? Mais à quoi bon philosopher ? Les hommes n’ont encore découvert d’autres moyens que de punir le meurtre par le meurtre.

Cependant, on ne peut s’empêcher de penser — et cela ne paraîtra point si subversif — qu’un peu d’équité dans les rapports des hommes, un peu moins de sauvage inégalité, plus de certitude dans la vie précaire des humbles et des laborieux, et de telles tragédies deviendraient impossibles. Le spectacle lamentable qu’offre l’humanité de notre époque, le contraste dangereux qu’établissent, à tous les regards, l’arrogance fastueuse des uns et la misère sordide des autres, voilà qui détermine et explique les bandits tragiques.

Ces hommes, en d’autres temps, transportés dans d’autres milieux, auraient pu se réaliser en « beauté », pour emprunter à leur vocabulaire.

Ce n’étaient pas, encore une fois, des bandits dans le sens ordinaire du mot, dégénérés alcooliques, affligés de tares héréditaires, dévoyés. Leurs âmes étaient lucides, leur volonté aiguisée.