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côtés, on murmure : « Mais c’est Claudine ! » Et ! oui, Claudine, en cheveux courts qu’une raie sépare en deux lourds bandeaux bruns, à la fois fille et garçon, avec le col marin plat sur le sarrau noir d’écolière ; Claudine à l’école, vive et mutine, qui tient en main ses notes, son cahier de devoirs et, au bout des doigts, un petit crayon dont elle ronge la mine… Que répondriez-vous, Claudine, si vous aviez à vous défendre en cour d’assises des accusations portées contre Mme Maîtrejean, gérante en fait de la maison de famille de l’Anarchie, receleuse, et affiliée, affirme-t-on, à une association de malfaiteurs ?… Et Claudine de répondre, d’une voix claire, sans trouble, sans maladresse, un peu nerveuse seulement et fâchée parfois contre le président qui insiste trop, mais pas antipathique et laissant dans la salle une impression amusée, plutôt favorable. Son coaccusé, ami et associé, Kibaltchiche, le jeune Slave, pensif, complète et précise les explications demandées. Sa voix est très douce ; sa parole facile, élégante, ordonnée. Il se sépare d’un mot adroit des anarchistes terroristes ; il est, lui, d’une école qui admet les sentiments affectifs, la sensibilité, et, comme guide, la conscience, au moins autant que la raison. Il évoque la vie de labeur et de pauvreté du couple et son existence, peu secrète, dans la chambre unique qui était en même temps la salle commune de l’Anarchie où l’on allait et venait, portes ouvertes… Au surplus, il revendique avec insistance pour lui seul toutes les res-