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« Ah ! l’on nous parle de lutte de classes et de Révolution prochaine. L’individu ne demande pas mieux. Mais en attendant cette aube rouge, il faut qu’il vive, l’individu. Il regarde autour de lui. En haut, en bas, à droite, à gauche, devant, derrière c’est l’ignoble lutte pour la vie, avec toutes ses conséquences affreuses, voilées par l’hypocrisie contemporaine, masquée par les morales et bâillonnée par les Codes. Il regarde, l’individu. Ici, la petite minorité qui jouit, sans raison, sans excuses, parce que le hasard l’a servie et conduite. Là, l’immense troupeau abîmé dans la veulerie, enfoui dans la passivité. Plus loin, des déchets et des victimes que la révolte a mutilés, proies faciles des geôles et des salles d’hôpital.

« Que fera-t-il, l’individu ? Va-t-il prendre un numéro et s’embrigader dans le corps des prolétaires exploités, affamés, assassinés, bétail d’usine, chair à patrons, chair à canons, chair à boxons… Va-t-il se briser, lui aussi dans la révolte, sans moyens, sans armes, sans espoirs de triomphe ?

« Entre les écrasés et les indomptés, il ne sait à quoi se résoudre. Dans les jungles modernes, que sont nos grandes villes, il sait que les bêtes féroces à face humaine pullulent et s’entre-dévorent. Il faut qu’il se défende. Il faut qu’il s’arme pour la lutte. Sous peine de succomber, de devenir l’une de ces pâles victimes rongées de tuberculose, usées d’anémie, abêties d’alcool, il faut pour se défendre qu’il attaque. N’étant pas né mouton, il ne