— C’est bon… on s’en va…
Ils partirent. Devant un bouillon-restaurant, ils s’immobilisèrent. Garnier proposa :
— Je vous offre à dîner ?
Ils s’installèrent, dans la salle, à une table bien en vue.
C’était la seule table libre. Autour d’eux, les clients prenaient paisiblement leur repas, lisaient les journaux, têtes penchées, très attentifs.
— Cent mille francs, dit l’un, à qui livrera les bandits.
— C’est une somme, sais-tu, murmura à la table voisine, une toute jeune femme qui s’adressait à son ami.
Callemin se dressa, rayonnant :
— Une Belge, s’écria-t-il, une compatriote.
Et, redevenu gamin, exagérant l’accent, il interpella la jeune femme :
— Ça, mademoiselle, savez-vous, vous venez de dire une bonne chose. J’ai pensé, comme ça, souvent, avec vous. Moi aussi, je voudrais bien profiter avec ces cent mille francs. Mais je sais bien, savez-vous, que je n’aurai jamais ce bonheur.
Garnier se tordait.
Ils étaient devenus tout à fait fatalistes. Ils ne se cachaient plus. Ils ne se gênaient en rien. Ils allaient, droit devant eux, le nez au vent, dans la vie. Bah ! on verra bien. Après nous la fin du monde.
— On n’ose pas nous arrêter, affirmait Garnier.