Page:Méric - Les Bandits tragiques.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conté comment Callemin concevait son métier de typographe. Elle était chargée de la correction du journal et, d’ordinaire, revoyait la copie avant de la donner à la composition. Un jour, elle tomba sur un article de Lorulot qui contenait cette phrase :

« Les tabagiques, les opiomanes, les morphinomanes et les baudelairiens sont tous des idiots. »

Elle bondit sous l’outrage infligé — et cela bien avant notre confrère Clément Vautel — à un poète qu’elle aimait. Elle alla trouver l’auteur.

— As-tu lu Baudelaire ? questionna-t-elle.

— Jamais de la vie ! répondit Lorulot, je n’ai pas de temps à perdre.

— Alors tu condamnes un auteur sans l’avoir lu ?

Lorulot réfléchit un instant.

— C’est vrai, fit-il, tu as peut-être raison. Je vais retirer le mot.

Ainsi fut fait. Le journal parut. En relisant l’article, Rirette ne fut pas peu surprise d’y retrouver le terme qu’elle avait fait supprimer. C’était le typo Callemin qui l’avait rétabli…

— Pourquoi donc as-tu remis ce mot-là ? demanda Rirette.

— Parce que, répliqua Callemin brutal et péremptoire, si ce n’est plus l’avis de Lorulot, c’est toujours le mien.

Et il eut un geste qui voulait indiquer qu’il n’admettait pas de réplique.

Callemin était petit de taille, mais robuste. Il se montrait d’une propreté méticuleuse. Il vivait