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— Attendez, attendez, fait l’autre imperturbable. Nous disons donc : Terme… Dieu chez les Romains… Viendriez-vous chercher un Dieu ici ?

— Monsieur, dit le propriétaire impatient, je ne veux pas autre chose que toucher mon loyer.

— Votre loyer… que ne le disiez-vous… vous êtes donc le propriétaire. Eh bien ! monsieur, asseyez-vous, je vais vous démontrer, clair comme le jour, que la propriété c’est le vol…

— Mais…

— Taisez-vous !… Et, durant un quart d’heure, l’anarchiste lui infligea une démonstration à l’aide de citations et de syllogismes. Le propriétaire, excédé, lâcha pied. Il dit au concierge :

— Laissons-le… C’est un fou… Mais c’est un savant.

Juste ce que le comte de Guiches disait de Cyrano.

On pourrait conter aussi l’histoire d’un autre illégaliste qui mit son revolver sous le nez d’un huissier et le tint à sa merci pendant que les camarades déménageaient ses meubles. Mais de tels faits étaient alors plutôt rares. À peine si le browning tentait son apparition. Cependant, chaque anarchiste tenait à honneur d’en posséder un qu’il caressait de temps en temps dans sa poche.

Il y eut un petit anarchiste de seize ans, sorte de gavroche conquis à l’illégalisme, qui se nommait lui-même la « Terreur des épiciers ». Ce petit bonhomme avait juré de ne pas tomber dans les mains des policiers qui le soupçonnaient et l’in-