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Car, si les conférenciers, professeurs, écrivains, savants, docteurs étaient immunisés contre les dangers de certaines spéculations, il n’en allait plus de même pour les auditeurs dont la plupart n’étaient que de pauvres diables de primaires ayant abandonné l’école de très bonne heure. Certes, ils débordaient de bonne volonté ; ils s’efforçaient d’alimenter leurs cerveaux, de s’assimiler toutes les notions. Mais, de plain-pied, ils se lançaient dans la métaphysique la plus obscure ou les théories scientifiques les plus ardues. On imagine les ravages produits dans les esprits.

Bientôt, il ne fut plus question aux Causeries, que de Max Stirner, l’auteur de L’Unique et sa Propriété, de Nietzsche, et surtout de Le Dantec. Les uns avaient la tête farcie de Zarathoustra ; d’autres ne juraient que par leur « Moi ». Un Callemin, par exemple, cherchait à tâtons, sa voie en dévorant les vieux bouquins à couverture rouge de la collection Gustave Le Bon. Sa voie ? Celle de l’échafaud.

On parlait couramment de « reprise individuelle », comme d’une chose très simple et très naturelle que pas un anarchiste digne de ce nom n’aurait osé rejeter. Les malheureux ne songeaient pas assez aux gendarmes. Ils ne se disaient pas davantage qu’au bout de ce chemin dangereux, ils trouveraient fatalement le crime. Ils se grisaient du mauvais vin des mots : « Liberté !… Vivre sa vie… » Et, après ça, ils allaient, aux devantures des épiciers, cueil-