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Sa voix avait des inflexions rauques et ses traits crispés lui composaient un masque étrangement dur. C’était une Juliette nouvelle, si loin et si différente de la petite chose charmante et rieuse qui se pelotonnait, comme une biche tremblante, contre ma poitrine. Aspects multiples de la femme ! Et puis, ce langage que je connaissais si bien pour l’avoir tant de fois entendu dans des bouches menues et tentatrices ! Les droits de la femme ! Vivre sa vie ! Égaler l’homme ! Maîtresse de son corps ! Toutes les sornettes qui passèrent en ouragan sur les fronts féminins, ruinèrent des foyers, suscitèrent des drames… Aujourd’hui que la femme, ramenée à une plus claire conception de ses devoirs, accepte humblement le rôle qui lui est assigné de par son sexe, sa faiblesse et, aussi, sa grâce, nul n’admet d’aussi baroques affirmations. La femme, l’enchanteresse, source de voluptés et de tendresses, amante et mère, née pour l’abdication !… Mais dans ce siècle hideux, où s’affrontaient les plus détestables passions, la barbarie régnante composait un humus propice à toutes les floraisons de sophismes.

Juliette s’était ressaisie. Elle changea de ton et sa voix devint plus caressante.

— Grosse bête !

C’est avec des mots de ce genre qu’on fait plier l’homme. Grosse bête, disait-elle. Je murmurai : « Ma chérie. »

Après, dans la ruée qui suivit, nous rivant l’un à l’autre, une vision tenace me hantait. Je ne pouvais m’empêcher de la revoir, sur le boulevard, penchée sur le bras d’un autre, lascive et provocante. Cette image