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comme des puits de lumière. Les yeux de la femme ont toujours attiré l’homme, angoissé devant l’éternel problème qu’ils posent. On les scrute vainement. Ils échappent à toute investigation. Ils contiennent toutes les promesses et toutes les traîtrises. Quand mon regard se soudait au regard de Juliette, mon imagination ressuscitait les soirées chaudes d’août, alors qu’allongé sur le sable fin, devant la mer grondante, je lançais mon âme vers l’abîme céleste, parmi la pluie d’or des étoiles. Oui, les yeux de femmes sont des firmaments semés de pièges où l’âme plonge et se noie. Et je me répétais, dans un souffle, des vers lointains, des vers oubliés d’un vieux poète :


Ah ! ce leurre d’aller voyager dans les yeux !


Au fait, étaient-ils bleus ou verts, ces yeux qui à l’heure des détentes se veloutaient de sombre violet ? Je les ai vus, quelquefois, sous le fouet de la colère, d’une dureté de métal, avec une petite flamme menaçante. J’ai senti leur douceur pénétrante amollir tout mon être. Les ravages de la passion les incendiaient et ils rougeoyaient, alors, comme deux brûlures. Mais, leur énigme se précisait surtout dans le calme, tant ils révélaient de gravité sereine avec je ne sais quel insaisissable soupçon d’ironie et de pitié.

Dirais-je la souplesse du corps menu, rose comme un matin, qui glissait, fluide, entre mes bras et toute la saveur de sa chair ? Juliette, Juliette, c’est tout ce que je savais de toi, ton corps d’aurore et le vertige de tes yeux. Et, qu’importait le reste ? Elle m’avait bien