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société où s’épanouit ma jeunesse nécessitait des prisons, des bagnes, des forteresses, à tous les coins du pays, et entretenait une immense armée de gendarmes, policiers, gardes-chiourme, destinés à conjurer les ravages de l’autre armée, celle qu’on appelait l’armée du crime.

Tels étaient donc les grands journaux. Aux rares entêtés qui persistaient à vouloir s’escrimer de la plume et en tirer des revenus, s’offrait la ressource des multiples brûlots, pamphlets, gazettes, publications de tout ordre et de toutes couleurs qui sévissaient hebdomadairement et vivaient de plus en plus péniblement grâce au concours de la publicité financière et au maniement de l’escopette. Dans ces feuilles, on se permettait la fantaisie la plus échevelée, on polémiquait, on critiquait, on commentait, on écrivait. Certaines revues très graves et copieuses donnaient refuge à d’antiques pédants et d’authentiques cuistres, héritiers de Trissotin et de Vadius, qui masquaient leur impuissance en se livrant éperdument à la chasse aux incorrections et en épilant les phrases.

Enfin, parmi les quotidiens, on comptait quelques feuilles dites d’opinion qui reflétaient plus ou moins les aspirations de certaines fractions du public. Ces feuilles se faisaient rares. Les unes se proposaient de changer la forme du gouvernement et de revenir aux respectables traditions monarchiques ; elles subsistaient grâce aux largesses de leur clientèle. D’autres, prétendant représenter ce qu’on appelait alors la classe ouvrière, prêchaient la Révolution sociale. Leur catéchisme se résumait en ceci : qu’il fallait tout bouleverser