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naturel, imprescriptible, de se nourrir, se vêtir, se loger, de même que le droit de respirer. Si j’insiste sur de telles bizarreries, longuement étudiées et signalées par nos historiens, c’est, précisément, pour en venir aux petits événements dont j’ai parlé plus haut.

Je me trouvais, cet après-midi là, en compagnie du poète Xavier Farigoulis, de l’école « Surpsychique », qui dans la salle de rédaction du Vespéral, disputait ferme avec le poète Antonin Coquelicot de l’école « Concentrologomachique ». Ces deux malheureux, torturés par leurs démons familiers, se mitraillaient de mots, de formules, de définitions, se bombardaient d’apophtegmes, se lançaient à la tête les plus inconcevables billevesées. J’étais nanti, encore, de quelques illusions et, pour avoir beaucoup lu les aînés, je n’imaginais les faiseurs de vers que sous l’aspect romantique : immense chevelure, larges cravates, barbiche au vent et feutre mou aux plates ailes. Combien différents s’avéraient mes bardes bardés de nonchalance, visages glabres, vertex déplumés, gestes menus, voix aigres, anatomies indigentes et moulées dans des complets aussi impeccables que désespérément résistants. Je savais que, chaque soir, avant de se glisser dans les draps de Morphée, Farigoulis, féru d’élégance, entassait, — Pélion sur Ossa ! — les tomes épais du Larousse sur son pantalon méticuleusement plié au bon endroit. Certes, le pli s’accusait, irréprochable, mais l’étoffe élimée luisait fâcheusement. Quant à Coquelicot, il laissait paraître plus de désinvolture dans ses façons vestimentaires ; par malheur, affligé d’un encombrant système pileux, il employait des heures à se