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Justice et de la Civilisation » qui détériora sérieusement l’infortuné à qui je dois mes jours. Puis l’école, l’internat, les examens, toute une vie pénible, médiocre, exempte de joies et de lumière. Mais je passe. Qu’il suffise d’indiquer que, pourvu, un beau jour, d’un diplôme qu’on qualifiait alors de licence ès lettres, mais entièrement démuni de numéraire, je me risquai timidement à tenter mes premiers pas dans la carrière journalistique.

Je m’étais décidé pour le journalisme parce que, ma foi, je me sentais doué d’une assez vive intelligence et d’une remarquable faculté d’assimilation. Je cédais, de plus, assez volontiers aux œillades d’un agréable farniente, et, un certain amoralisme aidant, je cumulais toutes les qualités requises pour réussir brillamment dans le métier. Mais j’avais, malgré tout, préjugé de mes dons et qualités. Il faut beaucoup de travers et d’ignorance pour faire un parfait journaliste, mais il y faut aussi autre chose, ce je ne sais quoi (plus ou moins poétique), ce rien indéfinissable qu’on a baptisé le talent. Du talent, j’en monopolisais, on voudra bien me croire, le plus possible. Mais d’autres, à la grande foire du hasard, en avaient acheté davantage. De sorte que je me tenais à un rang honorable, sans trop d’outrecuidance.

Et puis je vivotais. En ces temps lointains, une petite minorité d’individus détenait à peu près toute la fortune publique. L’argent leur conférait la puissance. Les autres, à des degrés divers, se voyaient obligés de besogner pour assurer, plus ou moins largement, leur pitance. Car, on ne s’avisait pas encore que tout être vivant peut revendiquer d’abord et avant tout, le droit