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l’absorption indispensable. Et maintenant tout est dit. L’enfant ? Simon disparu. La femme ? Judith qui me fait boire l’épouvante.

Qu’est-il devenu, l’enfant, cet enfant qui m’était promis, dont je guettais l’épanouissement… ma vie nouvelle, ma vie de demain ?… Oh ! certes, je puis attendre ! Je ne suis pas au bout de mes forces et d’autres âmes s’offrent que je puis humer encore avant l’échéance… puisque échéance il y aura… Mais à quoi bon ? Ces jours derniers, assis à côté de Judith, dans un coin du grand jardin, sous la tignasse verte des arbres, j’écoutais, l’esprit quiet, le concert que nous donnait le peuple ailé. Les enfants jouaient à deux pas et je suivais d’un œil amusé les sautillements de ma frêle Hélène, gamine ingénue qui sera la femme, l’épouse, quand pour Judith sonnera l’heure du renoncement volontaire. Et, ce soir, me voici égrenant le chapelet de ma désespérance dans l’impavidité d’un espace sans antennes. L’odieux passé remonte en moi dans une nausée. Au plus obscur de mon être, de louches réminiscences rampent comme des larves.

Maudits soient les artisans de bonheur qui n’apportent que destruction et calamité !

Le bonheur, c’était peut être une femme qui aurait cheminé avec moi sur le grand trimard de la vie, des enfants qui m’auraient fermé les yeux !

Le bonheur, ce n’est pas la Science, ce n’est pas la Connaissance, ce n’est pas le Vouloir, ce n’est pas la Puissance.

C’est l’instabilité de la minute fuyante qu’on prend dans ses doigts mous et qui file comme une anguille.