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— Maître ! Maître !

— Que se passe-t-il ?

— Maître ? L’enfant ?…

Je bondis vers le serviteur haletant. Je le pousse furieusement au milieu de la salle.

— Quoi, l’enfant ? Que voulez-vous dire ?

— Simon… votre aîné…

— Misérable… Explique-toi… Ou je ne réponds de rien…

— Pardonnez… Maître… L’enfant… votre Simon… disparu… enlevé… introuvable…

Sans un cri, je m’affale dans un fauteuil. Mais une clameur insensée roule dans ma gorge… Simon enlevé… ma jeunesse de demain… Il me semble que tout croule autour de moi et que la nuit dévore mon front.

Je lève les yeux sur Judith. Elle n’a pas bougé. Un pli amer entrouvre ses lèvres sur les dents serrées d’où s’évade un petit sifflement aigu. Une flamme tournoie sous l’abat-jour des paupières. Elle se tient debout, devant moi, provocante, énigmatique et sculpturale.



Affaissé sur la terrasse, tout au haut de la maison, tête nue, effroyablement las, je tâte le pouls de mes pensées dans l’énorme, dans l’inscrutable silence de la nuit.

Au-dessous s’étend une nappe d’ombre où serpente, coupée par endroits, une longue traînée d’argent, quelque chose comme le sillage d’une monstrueuse limace. Je devine le fleuve paisible marchant à sa destinée qui