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— Je vous écoute, mon ami.

— Judith… Je devrais me taire… Mais à qui dire alors toute mon anxiété ?… Judith ! vous m’aimez, n’est-ce pas ?

— Je vous aime, mon ami. Ne suis-je pas votre compagne et votre épouse ?

— Eh bien ! Judith ! j’ai peur… vous m’entendez ?… j’ai peur… Ugolin…

Elle porte tout son corps vers moi, la tête penchée, les yeux avides.

— Ugolin est condamné…

— Ah !

Elle s’est détachée brusquement. Blafarde, les lèvres serrées, les doigts tremblants, elle m’enveloppe de son regard d’une étrange dureté où danse une joie mauvaise. Et c’est, dans tout mon être électrocuté, un choc irrésistible, comme une sorte de révélation soudaine… Un nom monte, fuse dans un souffle : Juliette ! Quelle est la femme qui se dresse là, rigide comme une sentence ? Judith !… Juliette !… Certes, je n’accorde aucune foi aux histoires de réincarnation, aux fantasmes des palingénésies. L’autre n’est plus qu’impalpable nuée dans l’impondérable. Mais pourquoi faut-il que des catacombes du passé surgissent des spectres hallucinants et qu’en moi-même, apeuré et désemparé, le vieil homme ressuscite.

— Juliette ?… Judith ?… Je ne sais plus.



Des bruits. Des pas. Une porte qui claque. Des appels.