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quelle frénésie nous la recherchons et quels sacrifices nous lui consentons, nous, les hommes vraiment vivants de ce siècle. Et je ne songe pas sans quelque pitié amère que, du temps de ma vieille jeunesse, les morales absurdes et les religions criminelles condamnaient les divins accouplements, bannissaient les délices charnels. Un brouillard d’épaisse hypocrisie aveuglait les hommes, les incitait à voiler l’acte par quoi naît la plus savoureuse sensation et se perpétue l’espèce. Lamentables fous en proie à tous les vices odieux et qui se cachaient de l’Amour comme d’une monstruosité. Ils avaient inventé un terme abominable : la Pudeur ! et c’était dans le mystère le plus décevant et le plus abject qu’incapables de résister aux commandements naturels ils mendigotaient de rapides et incomplètes satisfactions.

La Pudeur ! la Pudeur, tueuse de beauté ! Cela signifiait que la femme devait dérober sa nudité splendide et la fleur de son sexe aux appétits de son compagnon. Il fallait au sacrifice amoureux le consentement officiel et les prières du prêtre. En dehors de ce qu’ils appelaient le mariage, les individus mâles et femelles ne voyaient que stupre et souillure. Deux êtres s’en allaient dans l’existence précaire que leur ménageaient l’ignorance et les superstitions comme deux forçats traînant les boulets du Code et liés par les chaînes du qu’en dira-t-on. Mais la nature invincible suscitait l’adultère, ornant de charmes inédits l’imprévu des rencontres illicites. Et les perversions monstrueuses s’épanouissaient. La satisfaction quémandée, obtenue par tous les moyens, payée, tarifée, offerte dans des maisons spéciales, entraînait de louches aberrations, poussait aux névroses, s’achevait quelquefois dans les