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vêtement où son corps manœuvrait avec liberté, s’est-elle travestie en poupée du vingtième siècle ?

Mes lèvres s’entr’ouvrent. Un nom jaillit. La femme se courbe davantage :

— Tais-toi… C’est fini. Tu ne me reconnais donc pas… Moi… c’est moi… Juliette…

Quoi ?… Juliette !… Judith !… J’essaie de me soulever sur un coude.

— Mon pauvre petit. Tu viens d’être malade… si malade… Mais c’est passé. Encore un peu de patience.

Soudain, mes yeux chavirent, submergés par un étonnement infini où s’entasse de l’épouvante. Je tends péniblement un doigt. Là ?… Un calendrier, un vieux calendrier. Et une date, fulgurante : 12 octobre 1935 !

— Où suis-je… Quel jour ?… Je rêve…

— Du calme, mon ami… Oui c’est vrai… Ça fait plus de deux mois… Le mal t’a terrassé… Tu remontes de l’inconscience… pire encore… Mais tout est dit. Il y a du soleil dans les rues et des oiseaux qui chantent.

Une voix rude, bourrue, baignée de bonté, pendant que je retombe lourdement sur l’oreiller :

— En voilà assez, mademoiselle… Trop de faiblesse encore… Et vous, buvez-moi ça. Buvez et soyez sage.

Un poing me tend une tasse emplie d’un liquide clair.

— Bois, mon chéri, bois et dors. Sois rassuré. Je reviendrai demain.

J’ai bu. Un immense calme. La femme — Judith ? Juliette ? — s’est courbée de nouveau. Ses lèvres se posent, légères comme des libellules sur mes cheveux.