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figure de désolation qui se présente à mes regards, un visage comme cicatrisé où les angoisses ont taillé profondément ainsi que du vitriol. Et voici les accès de toux, d’horripilante toux grinçante. J’ai, de nouveau l’impression que je suis dans la cave de Meudon ; que je n’ai point bougé de ce lieu lugubre, que le petit M. Huler baptisé Ugolin va continuer son cours fastidieux sur les glandes interstitielles, les hormones, les cellules nobles, les ions et les électrons. Je fouille autour de moi pour voir si le long Ciron ne va pas se dresser, avec sa face têtue, pour contredire son maître. Je rencontre le regard de Neer, froid, attentif. Ses paupières ont un bref battement.

— La vieillesse, repart Ugolin, la vieillesse et son cortège de déficiences, de maux inévitables, ses faiblesses et ses souffrances, ses tares, ses vices, ses dégoûts, c’est là ce que nous avons éternisé, prolongé… J’ai fait le calcul. J’avais quatre-vingt-trois ans lorsque j’ai entrepris les premières expériences ; j’atteins aujourd’hui à ma deux cent vingt-quatrième année et ma vieillesse n’a fait que commencer. J’ai conquis plus d’un siècle de robuste jeunesse, en pleine solidité, dans la splendeur de mon intelligence. Voici le moment de payer. Il m’est réservé un siècle de vieillesse maladive et répugnante, comblée d’infirmités, rongée de hantises, pour expier. Je dis : expier. Car j’ai eu trop confiance en moi ; j’aurais dû chercher encore, chercher… parce qu’il y a autre chose… autre chose. Et puis mon erreur est énorme, impardonnable. Ah ! Ah ! (il ricane, il ricane). J’ai voulu soulever l’humanité par les… eh ! oui !… par les couilles. Voilà