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fils a disparu, les enlèvements de jeunes gens se sont succédé, méthodiquement, sans que nul n’ait pu fournir un commencement d’explication acceptable à ces attentats. Moi qui ai connu la série des enlèvements de jadis, je me sens pris d’effroi à l’idée que cela peut recommencer. Y aurait-il, quelque part, inaccessible et maléficieux, un second Ugolin, une réplique de l’autre ?

Judith se courbe vers moi, le double éclair de ses prunelles s’enfonçant dans mon crâne comme deux pointes rouges. D’un geste enfantin, je veux la repousser. Elle m’a saisi les doigts :

— Il faut que nous nous expliquions.

Sa voix devient âpre. Elle achève, pendant que je la contemple, angoissé :

— Oui, il est temps que je vous dise… D’abord, sachez que, depuis longtemps, je ne suis plus dupe. Je suis édifiée, ce qui s’appelle édifiée, sur votre prétendue immortalité qui n’est proprement qu’un vol. Vous vivez de la vie des autres, voilà la vérité. Mais qu’étiez-vous avant d’avoir découvert l’horrible secret, ce secret qui vous fut acquis par les recherches de centaines de générations. Voleurs ! Voleurs ! Et Assassins ! Car vous avez empoisonné pour des siècles, peut-être, des multitudes d’hommes qui jouissaient du droit naturel, absolu, de vivre, vous m’entendez, de vivre, de se développer, d’évoluer, de finir, normalement, selon les lois naturelles par vous chambardées.

Elle se tait un instant. Je ne cesse de la scruter, avec une curiosité malsaine. L’indignation crépite dans ses yeux de diamant noir. Elle est divinement belle,