Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/290

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il est certain, pourtant, que j’adore la femme. Je la place très haut pour les ardeurs qu’elle suscite, pour les coulées de lave qu’elle verse dans nos moelles. Je conçois que, sans elle, nous ramperions dans la viscosité des limaces. Ugolin n’a pas aboli le vieil homme. Le Sexe demeure Roi. Mais la Femme est toujours l’Ennemie.

Pourquoi j’écris cela ? Parce que je viens de me heurter à Judith. Et que du bout de son ongle vermeil, elle m’a fait effleurer l’inanité de nos espérances gonflées comme des baudruches et la fragilité de nos rêves crevant dans le vide. Je le pressentais depuis longtemps. Ce n’était point sans raison que, dans les yeux de Judith, se reflétait l’ironie trouble des regards de l’autre — la Juliette, la servante, l’instrument du petit vieux toussotant, ricanant, sardonique. Comment n’ai-je pas plutôt accueilli l’avertissement ?

C’est elle qui m’a offert crânement le combat. Je me tenais dans mon cabinet, un peu déprimé, poursuivi par des visions de déchéance, ma pensée battant des ailes sur le vieillard inerte qui n’est plus que le reflet de lui-même et que la Trinité Scientifique ne consulte, rarement, que pour la forme. Douloureuse abdication. Soudain, la Femme s’est dressée, les yeux plus sombres, farouche, les lèvres blanches. Elle m’a jeté, de sa voix traînante, avec une sorte de nonchalance :

— Que croyez-vous, mon ami, que soit devenu notre Simon ?

Je me suis levé d’un bond, surpris par l’attaque. Ce que je crois ? Je n’ose l’exprimer. Depuis que mon