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point par exercer une action sur le cerveau… Le cerveau… La substance… la pensée… Quelle lueur vient, soudain, de fulgurer en mon esprit. Je pousse un cri !

— Qu’avez-vous donc ?

— Néer, Néer, écoutez-moi… Vous voulez remplacer des jambes, des bras, des poitrines, des poumons, tous les muscles, tous les organes, et le cœur lui-même. Vous le voulez et vous le pouvez… Et après ? Avez-vous pensé au cerveau… car il n’y a pas de raison pour qu’il échappe à la loi… Et comment vous y prendrez-vous ?… Saurez-vous substituer une âme à une autre ? Et même si vous essayez, si vous accomplissez un pareil tour, croyez-vous que le cerveau tout neuf qui fonctionnera dans une vieille boîte crânienne ne transformera pas complètement l’individu que vous ne voulez qu’améliorer et raccommoder ?

J’ai touché juste. Le professeur est livide. Du revers de son bras, il essuie les gouttelettes de sueur qui naissent sur son front. Il s’exclame, la voix sourde :

— Vous avez peut-être raison.

J’ajoute aussitôt, poursuivant mon avantage :

— Ces expériences, on les tentait jadis… Rapiècements et ravalements absurdes. Souvenez-vous… Ugolin n’a-t-il pas dû renoncer à ses chimères sur les glandes cérébrales, à ses recherches sur la pituitaire et la pinéale… Néer, mon cher Néer, nous ne sommes que pitoyable pouillerie sur cet atome terrestre, fragment de néant dans le vertige du Cosmos… L’inconscient nous submerge. Rampons, mon ami, rampons dans notre fange. Et gardons-nous du Rêve, ce brouillard errant dans le vide, du Rêve auquel nous devons la vie, cette illusion…