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saient à la cuisine scientifique. Plaisir des sens, de tous les sens.

L’alcool débilitant fut radicalement supprimé. Mais, après d’orageuses discussions, Ugolin conserva le vin dont il fit sévèrement réprimer l’abus. Du coup, l’art et la poésie dépourvus d’aliment s’étiolèrent. On essaya bien de les sauver du naufrage. Mais que peuvent bien exprimer les faiseurs de vers dès lors qu’ils ne disposent plus des ingrédients utiles : amour, dieu, ma mie, mon cœur, petites fleurs bleues, petits chichis… Finalement, Ugolin décréta que ces messieurs experts à aligner des mots rangés selon un ordre convenu et à s’entortiller dans la soie des métaphores ou la gaze des symboles, étaient tout à fait indésirables. Quant aux artistes, moins favorisés encore que les tire-lyres, la science qui permettait de capter avec certitude les couleurs, les formes, les mouvements, eut promptement fait de ridiculiser leurs fantaisies géométriques et leurs prétentions synthétiques.

Pourtant Ugolin donna tout son appui aux musiciens. La musique, pour lui, c’était comme une intoxication cérébrale qui pénétrait par l’oreille. Il ordonna des bains de musique avec accompagnement de parfums subtils (autre forme d’intoxication) d’où les neutrides sortaient dans un état avoisinant l’abrutissement. Cela servait ses vues sur la domestication d’une foule que des instincts malgré tout persistants pouvaient travailler et réveiller.

Mais quelle besogne ! Au cours des années d’organisation, dures et laborieuses, Ugolin dut surtout lutter contre les sournoiseries de la Mort qui ne voulait pas