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logements qu’à ceux qui pouvaient brandir leurs bons de journées de travail. Il y eut, dès les débuts, des grognements. Mais les escouades d’ouvriers placés sous la phalange des « observateurs » (on disait « observateur » comme pendant la grande révolution bourgeoise), obligés, après le labeur, de porter les armes, de patrouiller, de monter d’interminables factions devant les bureaux des commissaires, les casernes, les portes de prisons, finirent par se résigner et accepter une militarisation à peu près totale.

Seuls, quelques hommes — une poignée — firent mine de résister.

Ces hommes se réclamaient des doctrines « anarchistes ». Ils s’étaient trouvés au premier rang, à l’heure de la bataille des rues contre les troupes de l’ordre. Ils avaient donné superbement de leur personne. Mais ils se refusaient à accepter le nouveau pouvoir. Ils persistaient à poursuivre leur besogne de démolisseurs, guidés par une logique rigide qui leur faisait repousser toute autorité, sous quelque forme qu’elle se manifestât, à l’exception pourtant de la plus absurde et de la plus aveugle : celle de la foule déchaînée, inconsciente et contradictoire. Et de nouvelles émeutes éclatèrent dans les quartiers populeux. Les soldats rouges et les policiers furent lancés sur les réfractaires. Chiens de garde contre loups. Les anarchistes ripostèrent par des bombes qui n’atteignirent que des innocents. Finalement, quelques-uns se soumirent. La grande majorité des libertaires fut impitoyablement massacrée, traquée, jetée dans de sordides ergastules où la vermine eut raison de leur énergie.