Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

humaine a pu faire jaillir de parfums et de couleurs est rassemblé là en un bariolage infini et savant. Toutes les fleurs vivantes du monde, toutes, s’y donnent rendez-vous. Les nuances se rejoignent et s’accrochent depuis l’albe éclatant jusqu’au velours somptueux, depuis l’or en chair jusqu’aux ailes fluorescentes des merveilles équatoriales. Ugolin a « recréé » l’Éden, combiné d’étranges accouplements, abouti à d’extraordinaires symbioses. Une irrésistible griserie monte de la terre fraîche et, sur nos têtes, une étourdissante symphonie, traversée de strideurs ardentes, fait se fondre les âmes.

Néer m’entraîne. Dans cet immense parc, tels des courants à peine sensibles dans l’épaisseur de l’Océan, des sentiers capricieux glissent, contournant les haies, mourant aux pieds des pelouses, en un désordre qui n’est qu’apparent. Nous suivons une allée bordée de sycomores qui tendent une voûte imperméable sur nos fronts. Mais une éclaircie nous permet de respirer le ciel où le professeur me montre du doigt, là-haut, très haut, un essaim de petits points étincelants — les avisettes — tout un vol de mouches blanches.

Je n’ose risquer un murmure. Comme s’il devinait mon embarras, Néer s’est arrêté brusquement.

— Eh ! bien ! fait-il, que vous disais-je ?

Je garde le silence. Il n’est que trop vrai que les événements ont confirmé sa prévoyance. Cependant, le professeur me tient toujours par le bras et me pince fébrilement :

— Que vous disais-je ? Que vous disais-je ?

Je m’arrache à son étreinte et, les yeux dans les yeux, je formule brutalement, la question qui me brûle les lèvres :