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Je rentre chez moi. Une lettre. C’est un long cri de douleur de Juliette, un appel au pardon. La malheureuse avoue son rôle abominable et elle me confie aussi tout le trouble de son cœur, le désarroi de son esprit. Elle aurait voulu me sauver ; elle l’a tenté vainement, à la terrasse de Villers-sur-Mer. Puis le crime consommé, le remords, un remords dévorant s’est insinué en elle. Elle m’aimait, elle m’aimait, hélas ! Pourquoi faut-il que la fatalité m’ait justement choisi pour prendre rang parmi les victimes du maître ?… D’ailleurs, elle a une excuse : elle n’imaginait point que les choses pussent aller si loin et que la mégalomanie de son père adoptif atteignît de telles proportions. Mais aujourd’hui, elle sait ; elle voit : le monde désaxé, déséquilibré, tourneboulé par le génie furieux d’un dingo terriblement armé. Et cela, elle ne le permettra pas. Elle sait qu’elle est condamnée. Mais elle mettra la société en garde. Elle dressera toute la terre s’il le faut contre le tyran et ses acolytes. Et, du coup, elle me vengera, elle vengera son amour sottement sacrifié à de sanglantes utopies.

Triste fille. Je lis et relis cette lettre toute chaude encore de fièvre. C’est bien Juliette qui a suscité les policiers et indiqué la tanière de l’autre. Son amour, dit-elle. Quelles effroyables contradictions se heurtent donc dans cette caverne inaccessible qu’on appelle l’âme d’une femme ?

Un sourire joue sur mes lèvres. Que peut Juliette,